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Sécheresse, raréfaction de la ressource, pluviométrie variable…

La revue des énergies renouvelables et des solutions alternatives.

  L’eau, cette ressource précieuse

Interview de Christophe Jurado, directeur du pôle Eau chez idealCO
et de Philippe Carrio, président de Synteau

 

 

Alors que la France a vécu durant l’été 2022 une période de sécheresse rare dans son histoire, la gestion de la ressource eau est devenue plus que vitale. Les professionnels de l’eau expérimentent de nouvelles solutions pour pallier les futurs phénomènes de sécheresse et de raréfaction de la ressource. Réutilisation des eaux usées, solutions alternatives, changements de comportements sont au cœur des enjeux.

Après un été de tous les records en 2022, qui a connu trois vagues de chaleur successives et 33 jours de canicule, jamais la ressource en eau ne s’est avérée aussi précieuse. A la fois pour l’accès élémentaire à l’eau potable dans certains territoires, mais également pour le maintien des activités économiques qui nécessitent un fort usage de l’eau dans leurs process. « Il y aura un avant et un après été 2022 », commente Christophe Jurado, directeur du pôle Eau chez idealCO, plateforme collaborative dédiée à la sphère publique, en reprenant les propos de Thierry Burlot, Président du comité de bassin Loire-Bretagne. « Les enjeux climatiques n’ont jamais été aussi prégnants : les épisodes de sécheresse vont engendrer une raréfaction de la ressource. En contrepartie, des épisodes de pluie intense auront eux aussi un impact sur les problèmes de ruissellement et de qualité des milieux.     Sans parler des problèmes d’alimentation en énergie via les barrages, quid de leur fonctionnement demain, si les quantités d’eau viennent à diminuer ?» Pour autant, les professionnels restent déterminés car des expérimentations sont en cours afin de mettre en place de nouvelles solutions qui maintiennent l’accès à l’eau potable.

Faire évoluer les mentalités et les réglementations 

En effet, pour pallier les difficultés rencontrées l’année passée, les professionnels de l’eau se mettent en ordre de marche pour répondre aux enjeux et faire évoluer les mentalités et les réglementations. La réutilisation de l’eau est d’ailleurs un enjeu majeur. « Compte tenu des restrictions dans les territoires, la réutilisation de l’eau est essentielle. Malheureusement elle est confrontée à un contexte réglementaire compliqué », explique Philippe Carrio, président de Synteau, syndicat des professionnels du traitement et des solutions innovantes dans la gestion de l’eau pour les industriels et les collectivités locales. Au sein de cette organisation, qui compte une vingtaine de grands groupes, d’ETI et de PME, représentant une filière de 2000 personnes et pesant pour 1,2 milliard d’euros de chiffre d’affaires, faire sauter les verrous est une gageure. « En France, l’administration est très frileuse. Elle répond à des inquiétudes sociétales qui n’ont pas de fondement. On sait très bien aujourd’hui traiter l’eau, lui retirer ses micro-polluants et la remettre dans le circuit de l’eau potable », indique Philippe Carrio. A titre de comparaison, Israël réutilise 80 % de ses eaux, l’Australie et les États-Unis ont amorcé des démarches de réutilisation agricole et industrielle. Plus près de nous, l’Espagne réutilise 14 % de ses eaux traitées à des fins agricoles et l’Italie en réutilise 9 %. « En France, nous en sommes à moins de 1 % », commente Philippe Carrio. Or, permettre à l’eau d’intégrer un réseau circulaire d’usage répondrait à plusieurs problématiques. « Dans les zones côtières, recharger les nappes avec l’eau traitée permettrait d’éviter les remontées d’eau de mer en eau douce. Les cours d’eau ont besoin des rejets des stations d’épuration pour maintenir leurs niveaux ».

En Vendée, un projet de valorisation circulaire

En Vendée, le programme Jourdain, pilote en Europe, vise à transformer les eaux usées en eau potable. « Le projet a mis 15 ans à sortir, appuyé par un syndicat local, Vendée Eau et une volonté politique forte », rappelle Philippe Carrio. « La Vendée est soumise à un véritable problème. Zone à la fois touristique et industrielle, le département est dépendant à 90 % des eaux de surface accumulées dans les retenues d’eau, ce qui le rend très sensible aux sècheresses et subit des déficits hydriques importants. » Si les usages sont pourtant réglementés, ils ne sont pas totalement interdits. « La réutilisation de l’eau est gérée au cas par cas, avec les autorités sanitaires locales », précise Florent Boulier, secrétaire général de Synteau. Ce projet exemplaire de valorisation circulaire de l’eau vise à récupérer une partie de l’eau en provenance de la station d’épuration des Sables d’Olonne, à la traiter et à la réinjecter dans les circuits d’eau potable. L’unité d’affinage est en cours de construction à Château d’Olonne. L’eau y sera filtrée, désinfectée à deux reprises afin d’en éliminer les micro-polluants, comme les résidus médicamenteux, les virus, les bactéries et les substances issus des produits ménagers. L’eau sera acheminée vers le barrage de Jaunay, rejetée dans une zone végétalisée, mélangée aux eaux de la rivière avant de rejoindre l’usine de production d’eau potable. Des millions d’euros sont investis dans l’analyse des micropolluants, véritable source d’inquiétude des populations. « En France, le blocage est davantage sociétal, nous avons les capacités d’atteindre une très bonne qualité d’eau grâce à nos traitements. Tant que réglementairement, la réutilisation de l’eau ne sera pas clairement autorisée, les gens continueront de se méfier », reconnaît Philippe Carrio. Mais là aussi, des avancées et des ouvertures sont à noter. « La réutilisation des eaux usées a été longtemps verrouillée par la Santé. Aujourd’hui, au vu des enjeux du changement climatique, les choses sont en train de changer », commente Christophe Jurado.

 

Ne plus utiliser de l’eau potable partout

D’autres solutions sont encore à l’étude : recharger les sols en laissant s’infiltrer l’eau pluviale ; réfléchir à de nouvelles méthodes de récupération d’eau de pluie en ville pour alimenter les toilettes par exemple. « L’eau a longtemps été l’ennemie en ville, qu’on a tout fait pour évacuer. Depuis plusieurs années     , les mentalités changent », reconnaît Christophe Jurado.

La nécessité d’entretenir      le réseau d’eau est également une évidence : un litre sur cinq qui n’arrive pas au robinet ! « Mais cela requiert des investissements colossaux à l’heure où les finances publiques sont de plus en plus en difficultés  », remarque Christophe Jurado. D’autres solutions élémentaires sont préconisées, comme cesser d’utiliser l’eau potable pour tout. « Les collectivités s’intéressent de plus en plus aux toilettes sèches pour les événements, d’autres cherchent à réutiliser les anciennes carrières en réservoir d’eau potable (en Finistère), on voit naître des toilettes à circuit entièrement fermé, des acteurs comme l’ATEP demandent à légiférer sur la réutilisation des eaux non conventionnelles». Chacun, à sa manière, tente d’apporter sa contribution à la préservation de la ressource en eau. « L’usager tient également un rôle important en adoptant les éco-gestes face à sa consommation d’eau mais tout ne doit pas reporter sur l’usager !», conclut Christophe Jurado.

 

 

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