Face aux impératifs climatiques, l’ensemble du secteur du transport et de la logistique est appelé à réinventer ses modèles. Les transporteurs doivent concilier compétitivité économique, réduction des émissions de CO₂ et amélioration de la qualité de vie en ville. Les solutions se multiplient, allant des poids lourds électriques aux carburants alternatifs, mais aussi à la cyclologistique, qui s’impose progressivement comme un levier concret de décarbonation du dernier kilomètre. C’est dans ce contexte que Valeur Énergie a posé ses questions à Tariel Chamerois, de DB Schenker, pour mieux comprendre la vision et les initiatives du groupe.
« Notre mission est claire : réduire, stocker et distribuer de l’énergie renouvelable pour la mobilité des marchandises. La cyclologistique est une brique essentielle de cette révolution énergétique du transport » Tariel Chamerois DB Schenker Vous remplacez progressivement certains poids lourds par des vélos cargos. Où en êtes-vous aujourd’hui ?
Nous avons déployé la cyclologistique dans une trentaine de villes. Le principe est simple : installer un micro-hub logistique au cœur de ville, puis distribuer dans un rayon de 2 à 3 km avec des vélos cargos ou triporteurs. Dans cinq villes, nous opérons directement avec notre filiale Les Triporteurs Français ; ailleurs, comme à Vannes, Lyon ou Marseille, nous collaborons avec des partenaires locaux déjà implantés. À Paris, deux dépôts fonctionnent déjà (18è et 13è arrondissements), et nous prévoyons d’ouvrir à Paris Est, Paris Ouest et Toulouse.
Comment choisissez-vous entre exploitation directe et partenariat local ?
Tout dépend de la densité de fret. Quand une ville atteint environ 100 livraisons par jour, nous étudions s’il vaut mieux créer notre propre structure ou travailler avec un acteur local. La sous-traitance permet de mutualiser les flux, donc d’améliorer la rentabilité. En revanche, là où le volume est plus important, comme à Paris, nous exploitons nous-mêmes.
Les collectivités locales jouent-elles un rôle dans ce déploiement ?
Oui, un rôle majeur. Le principal frein, c’est l’immobilier. Trouver un local bien placé, compatible avec une activité logistique au regard du PLU, est un vrai défi. Les municipalités ou communautés de communes nous accompagnent souvent dans cette recherche, car elles y voient un intérêt direct : le vélo désengorge et pacifie la ville.

Pourquoi avoir misé sur le vélo cargo plutôt que sur des véhicules électriques légers ?
Parce que nous avons commencé il y a plus de 15 ans, avant que les alternatives quatre roues existent. Le vélo électrique était alors la seule solution crédible pour réduire les émissions. Aujourd’hui encore, il garde un avantage : il contourne la congestion et reste compétitif économiquement. Si la motivation avait été seulement écologique, le modèle n’aurait pas tenu. C’est parce qu’il est performant aussi sur le plan économique qu’il s’impose.
Quelle flotte opère aujourd’hui Schenker en cyclologistique ?
Près d’une centaine de vélos en France. À Vannes, trois vélos sont en activité ; à Paris, une dizaine par site. Chaque cargo peut emporter jusqu’à 180 kg, avec des tournées organisées depuis nos micro-hubs (Espaces Logistiques de Proximité). En moyenne, un vélo assure plus de 20 livraisons par jour.
Comment réagissent vos clients ?
La majorité est très positive : environ 40 % trouvent ce mode de livraison « génial », 50 % restent neutres, et 10 % sont sceptiques, parlant parfois d’« esclavage moderne ». Nous leur rappelons que nos triporteurs sont motorisés et adaptés : les cyclistes ne portent pas les charges à la force des jambes !
Avez-vous mesuré l’impact carbone ?
Oui. Sur le dernier kilomètre, nous réduisons les émissions de CO2 d’environ 50 %. Ce n’est pas 100 % car l’acheminement vers le micro-hub se fait encore en partie en véhicules thermiques. Mais le gain reste considérable.
Quels partenaires techniques vous accompagnent ?
Nous collaborons avec plusieurs fabricants spécialisés : FlexiModal et K-ryol pour les remorques, Urban Arrow aux Pays-Bas pour les vélos. Nous travaillons aussi avec des inventeurs français qui développent des solutions spécifiques pour la logistique urbaine.
Quels sont vos projets à court terme ?
Renforcer notre présence à Paris avec deux nouveaux dépôts, à l’Est et à l’Ouest, et ouvrir une structure à Toulouse. Notre développement suit le rythme des opportunités immobilières, plus encore que celui de la demande client. Certaines villes, comme Le Havre ou Niort, nous sollicitent déjà, mais c’est souvent nous qui sommes à l’initiative.
