Des îlots de fraîcheur en villegrâce aux micro-forêtsurbaines.

Immeubles, trottoirs, bitume, pavés… la minéralité des villes est source d’extrême chaleur en été. Chauffé par le soleil, le bitume peut en effet atteindre 50° à 60° par endroits, même quand l’air n’est qu’à 30°. La sensation devient alors irrespirable, pesante, lourde. Sous la canopée ombragée d’un arbre, la température baisse significativement, et apporte un confort de vie indéniable. Créer des micro-forêts urbaines au service des habitants, c’est la mission que relève BeeForest, spécialiste de la végétalisation urbaine, naturelle, participative et pédagogique depuis 2019.

Mathieu VERSPIEREN,
Ingénieur agronome et fondateur
BEEFOREST

Quelles sont les avantages des micro-forêts urbaines ?

La végétalisation urbaine comme nous la menons possède une vocation pédagogique. Elle a une valeur d’éducation et d’implication citoyenne à l’environnement. Créer des micro-forêts en ville, en plus d’améliorer la qualité de l’air qu’ils respirent et d’une manière générale améliorer leur qualité de vie vise à reconnecter les habitants avec la nature. Les arbres ont tant de bénéfices à offrir !

Comment concevoir une micro-forêt urbaine ?

Pour parvenir à créer une micro-forêt urbaine, nous procédons par étapes. Nous identifions le terrain avec les collectivités, les bailleurs sociaux ou les aménageurs : une friche, un terrain nu engazonné, un espace de jeux à ombrager, dès 250 m2 et jusqu’à 5000 m2. Nous réalisons une analyse du sol et prenons en compte les caractéristiques du climat local et son évolution. Nous sélectionnons alors les essences adaptées en observant l’équilibre phyto sociologique* observé dans les forêts locales qui poussent sur le même type de sol, en retirant les essences déjà fragilisées par le réchauffement climatique et en intégrant des essences forestières naturelles situées plus du Sud, qui correspondront davantage au climat de demain. Il y aura bien sur des arbres et des arbustes qui produiront des baies sauvages riches en vitamines, faciles à cueillir et à cuisiner : pruneliers, aubépines, églantiers, sureaux… Notre volonté est de concevoir des espaces végétalisés naturels diversifiés, résistants dans le temps et résilients vis-à-vis du réchauffement climatique. Le réchauffement climatique laisse supposer l’arrivée de plantes exotiques
dans les jardins et les parcs.

Qu’en pensez-vous ?

Il ne s’agit pas de planter n’importe quoi, n’importe comment ! Je suis partisan du zéro essence exotique: ces plantes peuvent être envahissantes et proliférer au détriment des écosystèmes naturels, et donc au détriment de la biodiversité. De plus, pour assurer le succès d’une plantation il faut choisir des plants locaux et très jeunes, qui nécessiteront peu d’arrosage pour supporter les éventuelles périodes de sècheresse et dont la sélection se fera naturellement.

Pour réduire la température d’une ville significativement, il faut qu’elle soit entourée de grandes forêts. Ces micro-forêts urbaines, elles, sont des îlots de fraicheur localisés qui ont aussi des impacts sur la qualité de vie en ville et connectent durablement les habitants à la nature près de chez eux.

Par exemple, en Moselle, dans une agglomération qui possède un sol argilo-calcaire, nous choisissons des essences observées dans les forêts alentour, et également des essences présentes à Castres en Occitanie sur le même type de sol argilo-calcaire. La réussite d’une micro-forêt tient dans la diversification des essences qui lui permettent une meilleure résilience. C’est le bon sens paysan qui prévaut : calquer la nature, faire preuve de patience et la laisser faire. Ainsi, j’explique régulièrement aux élus qu’on ne peut pas avoir tout et tout de suite en plantant des
arbres qui font 5m voir plus, qui coûte beaucoup plus cher, qui nécessite beaucoup d’arrosage et qui ont été fragilisés par leur transplantation. Avec les sécheresses à répétition, ce n’est plus possible.

Comment se déroulent vos interventions ?

Nous préparons le sol en y ajoutant de la matière organique qui boostera la vie du sol afin de libérer les minéraux, et qui améliorera la capacité de rétention hydrique du sol. Nous fournissons des plants forestiers français en motte issus d’une pépinière spécialisée, nous animons des chantiers de plantation citoyenne avec les enfants des écoles la semaine, et avec les citoyens le samedi, et suite à cela, nous vérifions la qualité des plantations. Nous privilégions ensuite le paillage naturel qui permettra de limiter l’arrosage. Un paillage équivaut à trois arrosages !
Ces micro-forêts sont des supports à la sensibilisation et à la pédagogie pour les habitants et les écoles. Nous animons avant les plantations des ateliers sur l’importance de l’arbre et de la forêt auprès des enfants des écoles, ils iront ainsi planté conscients de tous les bénéfices de leur action. Nous assurons le suivi de la plantation et menons des animations avec les enfants au pied des forêts plantées les deux printemps qui suivent les plantations sur le thème «L’eau est importante pour nous et pour les arbres, alors économisons-là» suivi d’un atelier de désherbage avec eux. En participant à sa conception, à sa création et à son entretien les citoyens s’impliquent pleinement et durablement dans l’amélioration de leur cadre de vie. Et après deux ans lorsque les jeunes plants sont autonomes, nous laissons faire la nature, elle se débrouillera bien toute seule car la nature est bien faite !

En cinq ans, nous sommes intervenus dans toute la France pour la création de 65 micro-forêts, dont 45 dans les Hauts-de-France. Plus de 23000 citoyens, dont 18000 enfants ont ainsi été sensibilisés et impliqués dans des plantations près de chez eux. Notre mission est véritablement de créer des îlots de fraîcheur, des espaces localisés pour que les riverains puissent se retrouver à l’ombre et profiter de l’extérieur sans souffrir de la chaleur, tout en les sensibilisant et ainsi les reconnectant au vivant près de chez eux. Notre ambition est de reconnecter le plus grand
nombre au vivant près de chez eux.