La construction passive continue à creuser son sillon en France

La revue des énergies renouvelables et des solutions alternatives.

Le Salon Passi’Bat, qui se déroulera les 25 et 26 novembre prochains au Parc Floral de Paris, constitue un bon baromètre pour mesurer les dynamiques de la construction passive en France. En attendant les données précises, habituellement présentées lors du Congrès se réunissant à l’occasion du Salon, petit tour d’horizon sur l’état actuel du marché…
Des tendances favorables

Un coup d’œil sur la base de données www.bddmaisonpassive.fr permet de constater que le rythme des réalisations passives s’accélère aujourd’hui en France. « Fin 2013, les surfaces certifiées Passivhaus dépassaient les 50 000 m2, annonce Etienne Vekemans, Président de l’association La Maison Passive. Ces surfaces se répartissaient équitablement entre maison particulière, habitat collectif et tertiaire. En 2014, il apparaît que ce dernier prend le dessus, en termes de surfaces. Et dans l’ensemble, les perspectives sont favorables, puisque le passif répond à des désirs de conforts thermique, acoustique et hygiénique n’ayant pas vocation à disparaître. »

 « L’excellence énergétique du passif requiert un savoir-faire beaucoup plus poussé que pour la RT 2012, qui est un peu la voiture-balai sur le plan des performances à atteindre »

D’ailleurs, pour se faire une opinion personnelle sur la dimension « multiconfort » du passif, le mieux est encore de visiter un des nombreux sites accueillant du public lors des Journées Portes Ouvertes Maison Passive, du 7 au 9 novembre. Ces journées permettent de mesurer l’effet « boule de neige » qui opère en matière de passif. « Chaque inauguration entraîne son lot de demandes d’informations de la part de particuliers, confirme Jean-Claude Tremsal, Président de la Fédération Française de la Construction Passive. Ce phénomène est encore plus accentué pour les projets qui prouvent leur efficacité. Ainsi, sur les bâtiments que nous certifions, nous installons un appareil de mesures qui relève les consommations énergétiques, les productions éventuelles, les températures, etc. Cela permet notamment d’afficher des bilans énergétiques en ligne. »
Le verre à moitié plein du surcoût qui se réduit
Les performances de ces constructions impliquent la mise en œuvre de produits spécifiques, comme la ventilation double flux et le triple vitrage, dont les coûts se réduisent grâce aux volumes croissants de production. « Si l’an passé, on estimait que le passif présentait un surcoût de 5 % par rapport à la RT, l’écart diminue sur chaque nouveau projet, avance Etienne Vekemans. »
Il faut aussi garder à l’esprit que les coûts d’exploitation d’un bâtiment passif peuvent être divisés jusqu’à 4 fois, avec des consommations « tous usages » réduites à 35 €/mois. « Avec l’inflation attendue du prix des énergies, la question du surcoût de construction sera rapidement gommée, rappelle Etienne Vekemans. A ce titre, le passif répond bien aux urgences de demain en matière de précarité énergétique. D’ailleurs, face à tous les enjeux qu’il porte, on ne peut que se féliciter de la vision de l’Office Parlementaire d’Evaluation des Choix Scientifiques et Techniques. Dans son rapport récent sur les freins réglementaires à l’innovation en matière d’économies d’énergie dans le bâtiment, il est notamment question de voir comment la réglementation thermique pourrait faire, je cite : « un peu plus de place au label passif pour éviter de perdre une nouvelle bataille d’arrière-garde ». »
Le verre à moitié vide de la formation
Parmi les freins actuels au développement du passif, le déficit de formation des professionnels est souvent avancé par les observateurs du marché. « L’excellence énergétique du passif requiert un savoir-faire beaucoup plus poussé que pour la RT 2012, qui est un peu la voiture-balai sur le plan des performances à atteindre, souligne Etienne Vekemans. Bien sûr, la formation est un investissement lourd, mais la demande est là. Il y a donc des opportunités à saisir et certains ont déjà l’expertise pour le faire. »
De fait, des maîtres d’ouvrage intéressés par le passif hésitent encore, par manque de confiance dans les maîtres d’œuvre. « En France, il y a, par exemple, un manque de formation dans le domaine de la ventilation, souvent posée par un électricien, alors qu’en Allemagne ou en Belgique c’est une affaire de spécialistes, analyse Jean-Claude Tremsal. Sur cet aspect et tous les autres, la solution passera par une formation de masse. Ainsi, on observe que l’Education Nationale se penche sur le sujet avec, par exemple, l’IUT de Génie civil de Belfort-Montbéliard qui intègre un examen de conception passive. Par ailleurs, avec la multiplication des projets passifs, il y a aussi un effet d’essaimage jouant sur les professionnels. On peut donc être raisonnablement optimiste concernant le chantier de la formation. »
Encadré

 

UNTEC : « L’innovation n’a de sens que si elle est mise en action par le lancement de projets »
Par sa fonction, l’économiste de la construction est à l’interface entre tous les acteurs du bâtiment. « On constate que les architectes ont su faire évoluer l’image de compacité rigoureuse véhiculée par le passif et que les industriels ont développé des produits performants, observe Pierre Mit, Président de l’Union Nationale des Economistes de la Construction. Aujourd’hui, ces évolutions sont en butte avec une conjoncture économique délicate. Or, l’innovation n’a de sens que si elle est mise en action par le lancement de projets. »
En effet, pour la concrétisation de projets, l’argent reste le nerf de la guerre. « Nous suivons les évolutions de la construction passive avec rigueur, afin d’en donner des estimations financières ayant du sens, souligne Pierre Mit. A ce sujet, notre organisation milite pour que le prix global, intégrant investissement et fonctionnement, soit davantage pris en compte en France. D’ailleurs, concernant le fonctionnement, il faut souligner le rôle central des occupants, dont le comportement influera les consommations. On parle beaucoup de RGE pour les professionnels, mais il y a aussi un travail de pédagogie à mener auprès des usagers, car c’est bien toute la chaîne des acteurs qui est concernée pour la réussite d’un projet passif. »